Rêver mieux pour la France que la démagogie et la haine - Alain Serres

Notre printemps sera-t-il un printemps qui a raison ?

Les chiffres et la gravité des mots qui pleuvent en ce printemps 2024 me font froid dans le dos. Ils nous glacent. Nous sommes des millions à ne pas vouloir que la France écrive une nouvelle page noire de son Histoire.

À refuser que la France soit celle de la collaboration avec les forces de la démagogie la plus vile, avec les forces de l'exclusion haineuse. Parce que, nous le savons bien, c'est l'inéluctable spirale de tous les dangers.

 

Notre printemps est un printemps qui a peur, mais il rêve. Il rêve toujours et encore, de toute la force des histoires différentes qui nous constituent, de toutes les molécules humanistes de nos ADN citoyens, il rêve pour les enfants de notre pays, filles et garçons, dans leur lumineuse diversité d'origine.

Notre printemps rêve pour le droit à l'éducation aux valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité dans une école de la République enfin revivifiée, pour le droit à la formation à l'esprit critique et aux valeurs vitales de l'écologie, de la solidarité, pour le droit au bonheur d'accéder équitablement à la culture et aux livres.

Notre printemps rêve à voix haute pour le droit à une information indépendante des puissances d'argent. Le droit à une justice sociale qui n'enferme pas les citoyens dans cette misère noire qui peut les rendre aveugle.

Autant dire que notre printemps ne rêve pas simplement de dresser un solide barrage au péril qui menace notre pays aujourd'hui, mais il aspire à faire émerger un puissant tremplin à des changements décisifs. Enfin !

 

Je relis, ce matin, plusieurs livres que nous avons publiés depuis 28 ans dans notre petite Rue du monde. Ils racontent la montée de la barbarie dès 1933 en Allemagne, l'esprit de résistance, ils offrent des guirlandes de poésie contre le racisme et l’antisémitisme ou ils invitent au voyage vers le miroir enrichissant de toutes les autres cultures.

Et je repense à tant de livres de nos consœurs et confrères qui invitent les enfants sur des chemins similaires. Oui, les valeurs des créateurs de littérature jeunesse, des bibliothécaires, des militants de l'enfance et de ses droits, portent un tout autre monde !

Mais si la belle littérature jeunesse de notre pays a le pouvoir de faire vibrer bien des cœurs – et c'est essentiel – ses muscles ne sont que des petits muscles de papier.

Alors voter, discuter, convaincre, manifester, encourager les amis hésitants, agir ensemble et être très nombreux est, pour nous aussi, notre seule véritable force.

 

Ce matin, je relis Paul Eluard et son chant d'amour vibrant : « Notre printemps est un printemps qui a raison. » 

par Alain Serres